Lettre au Maître

[Avertissement pour les âmes sensibles : âmes sensibles, si vous êtes sensibles, eh bien… tant pis pour vous !]

Cher Maître incompris,

Subrepticement saisi d’un doute métaphysique incoercible, plutôt blanc que noir, plutôt même gris si on les mélange bien, et, au fond, bien risible si on en rit, je me tourne en enfant docile vers mon Pair en Poésie pour solliciter de sa sagesse méconnue un jugement relatif et temporaire sur ce poème* en prose (WIP) que je vous soumets très humblement (si si) d’une main nerveuse et insomniaque :

1— Croyez-vous que cet innocent poème puisse passer la rampe verticale de la stupide censure de… française ?
2— Croyez-vous que sa facture et sa fracture outrée outrepassent les limites du sens inconsidérément admis des insensés ?
3— Croyez-vous que vous pourriez me prodiguer les augustes conseils que seul un Délirant lucide soit à même de délirer sans fausses certitudes ?
4— Croyez-vous qu’un écorché doive en plus se mutiler par le plus ou par le moins dans ses élans progestatifs et soucieux de la suite infinie du monde ?
5— Croyez-vous enfin que j’ai oublié une question inutile ?
6— Croyez-vous, ultimement, que j’ai hésité une seconde avant de vous envoyer ce message ailé ? — Vous auriez tort dans tous les cas…
7— Et croyez-vous, sans considération chronologique, que la poésie puisse rendre fou son poète ou poétique la folie, ou plus sage la prose, ou plus rose la sagesse ?

* Poème que je vous confie en exclusivité mondiale jusqu’à preuve du contraire. Considérez-le aussi comme un hommage, car j’ai l’hommage facile, vous le savez — c’est génétique


À la Déesse esseulée

Faut-il, pour dénouer la Beauté, lui coller un sourire au bec de gaz romantique ? Ou lui verser sur la tête des nuages d’étoiles cucutes en poudre ? Non, elle n’aime que les Poètes disloqués aux doigts* de prose qui font de si jolis nœuds aux bottines d’Apollon.

Ah ! rejoue-moi, Muse, que Baudelaire a cru connaître, les airs dépassés d’un passé pas si iste ou trop iste, comme tu voudras, mais chante, à la fin ! Oui, ils les ont vus, elles, les énigmes des vers inversés et des inversions versifiées ! Ô Beauté, je meurs à tes pieds parfumés aux doigts d’osmose, de narcose, de névrose, de glucose, de chose et de fructose ! Et quel Olympe enrhumé saura pour mon cha(n)t éternuer jusqu’à 12 pieds bien tassés, dans mon salon de préférence ? Oui, voici venir le Temps des Poètes sages cons sacrés par les fols cousins sapiens de Socrate aux doigts de pisse en lie (bon, ça change des clichés, ça, au moins…) !

Tout au long d’Éons rajeunis et sans âge, mais surtout indifférents aux commentaires du Siècle, je chanterai la peine des amants séparés par au moins 12 kilomètres sous la pluie… Et vous, venez à moi, petits enfants, venez écouter la complainte du phoque en Alaska, qui faisait tourner des ballons sur son nez, avant déjeuner (à 47 sous zéro dans ses rêves les plus fous), et uniquement pour nous, âmes sensibles et périmées ! Car les temps viennent du Jugement poïétique où tous les génies du verbe seront classés selon le rang qu’ils habitent dans nos vertes et rurales campagnes souriantes !

Mais, qu’à cela ne tienne, le sujet est trop sérieux, trop vaste et trop subjectif pour ne pas mourir de rire sur le champ ensemencé de vos doctes doutances de savants autocequevousvoudrez ; c’est pourquoi, ô fidèles croyants, à tout et à rien (je m’en fous), je vous ronronne un adieu bien camouflé dans ma barbe fleurie de barde épanoui dans des Arcadies inévitables, cruelles, mais stériles et parcourues par les fils putatifs du terrible ours Arcas ! Adieu ! Adieu donc !, jusqu’au retour ! à la ligne ! sur ma vieille ! Remington ! — qui vous salue bas, en passant… dans son tic métallique, bien que rien moins que nostalgique, mais très centenaire… et dont le ronron sans cesse me fait fricrêver (de la racine verbonéologique fricrêv*, récemment approuvée par l’Académie Franfraise… Car enfin, si la Poésie n’est plus une richesse, à quoi sert donc-t-elle, ô Grands Dieux ?

Adieu ! Adieu donc ! chers, à bientôt… Je vous quitte, car je crois avoir tout dit [croyez-vous ?], car, en vérité, en vérité, je vous le dis, il est présentement 15 h 30 à ma montre, et le temps commence à s’impatienter.

* J’écraserai, quelque jour, tous les doigts de fleurs à grands coups du marteau de Thor, et j’en ferai une bouillie pour les chats nostalgiques, qui tous raffolent des pâtées du passé, bien que très indigestes à leurs estomacs jadis idéalement poétiques… Le chat moderne, lui ou elle, est très actuel.le et visionnaire.e, il.le miaule.e tous les mots dans tous les sens, inversement et retour, sans attente ni parti pris aucun tant que la souris grise est crue prise dans ses griffes de bête à mots…


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