
Pleurez, oiseaux de février,
Au sinistre frisson des choses,
Pleurez, oiseaux de février…
— Émile Nelligan, Soir d’hiver*, 1898
Mon cœur s’est englacé sous un vortex polaire —
Frémissant dans le vent, en deuil du feu solaire,
Un froid brûlant, perçant, transfixe ma pauvre âme
Qui s’exténue, transie, dans un noir cosmodrame.
Et cette absurde guerre, engagée par un fou !
Et ce sale covid, objet de nos courroux !
Et les dents de la vie, qui bouffent tous nos sous !
Et la folie des grands et leurs desseins filous !
Que ce sombre tableau, moins noir que réaliste,
Vienne éclairer la nuit dans l’œil idéaliste
De ce monde naïf qui, aveugle-né, rêve
D’un bonheur sans douleur et de santé sans trêve.
Or jamais, non jamais, nous ne vaincrons la mort,
Contraints à succomber, quels que soient nos efforts,
Pour toujours prisonniers, corrompus de confort,
D’un Univers obscur aux sinistres ressorts.
Depuis la nuit des temps, l’Homme vit de chimères,
Tout ce qu’il croit est faux sur sa croix de misère ;
L’ivresse de sa chair n’est qu’extase grossière,
Ses transports en esprit mènent au cimetière.
Le Cosmos s’effiloche en valsant seul en rond ;
Dans l’espace infini, cosmique cyclotron,
La gigue des protons, la java des neutrons
Nous entraînent gagas dans leur vide ronron…
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* Soir d’hiver Ah ! comme la neige a neigé ! Tous les étangs gisent gelés, Pleurez, oiseaux de février, Ah ! comme la neige a neigé ! — Émile Nelligan (1896-1941) Poésies complètes |

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