
(poème fabulé par Kronox Kosmox)
(Invocation antique
et grandiloquente,
récemment découverte
sous les ruines du
Temple d’Apollon à
Delphes)
Redis-moi, Muse, l’odyssée des Aèdes, là-bas, enivrés sur la mer du Poème, tout éblouis des mots scintillants qu’il moutonne sur l’écume des Heures, ces Heures qui drapent l’Apeiron tel un voile de splendeurs irisées, diaphanes et presque irréelles par trop de vénusté…
Chante pour moi, Muse, et tous les Poètes et nos cœurs esseulés, la Beauté que l’unique amour enfante et offre à nos âmes avides…
J’exalterai par un péan méconnu des dieux l’inspiration de ces Héros aux mille rimes sonores, dorées ou moroses, autant de ruses à leurs flèches ailées, percutantes et précises, autant d’élan à leur esprit affûté qui transperce le Sens éternel, ignorant toute raison et toute frontière, et oindrai d’un baume salutaire leur cœur généreux, mais blessé de trop aimer et trop souvent accablé…
Vrai, Compagnons, c’est à la source pure du génie que s’abreuvent ces Voyants pour étancher leur insatiable soif d’harmonie et d’absolu, mais enchaînés sous la loi de dieux maîtres des Mondes qui les endorment extatiques en un sommeil passager, pour les réveiller pourtant au matin à la lumière nue des choses, dans un autre temps, mesure d’un espace en mouvement libre, sans début connu ni achèvement prévisible, afin que toutes les promesses de la Création trouvent en eux occasion de fructifier…
La couronne divine de l’âme ne fleurit, pour les Mortels amoureux du Logos et aimés de lui, qu’au prix le plus élevé pour avoir révélé au jour les Mystères sacrés de la vie, dont le sceau est convoité par une armée de daimôn blêmes et jaloux, dont l’unique désir voudrait noyer dans l’Oúsía négatif originaire tout ce qui les dépasse infiniment et qu’ils ne pourront jamais, non jamais connaître ni comprendre…
Un jour, serment de Poète, sous la tente et le faste d’un soleil propice et fécond, ou guidé par le doigt rose d’une jeune Ēôs perçant le noir de la nuit… je… un jour… oui, un jour ! je dirai — j’illuminerai, je couvrirai de lumière et le Jour et sa sœur la sombre Ténèbre, toujours affamée de la Terre qu’elle dévore au déclin d’Hélios et que sa parente diurne restitue à la vie, dès l’aurore, pour toutes les bonnes et toutes les mauvaises raisons du monde…
(La suite du manuscrit est illisible)

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