
| Le Poète Untel, parti à la recherche de vieux SMS égarés dans les archives de son Journal virtuel, est tombé, ô surprise ! sur un dialogue taplonicien, écrit par le célèbre philosophe grec Taplon, faussement attribué au faux Pseudo-Platon, et, pour la petite histoire, qui lui a été transmis en 1922 par l’archiviste en chef du Vatican et curateur de la célèbre exposition Lux in Arcana (Lumière dans la Pénombre) qui présentait au public de précieux documents, très rares, très anciens et sans prix, tirés des Musées du Parthénon d’Athènes. Le Poète Untel se fait un plaisir de vous le présenter ici pour l’édification de la jeunesse poétique qui bat de l’aile, et qui leur donnera occasion de lâcher pour une fois leur stupide smartphone, si nul et débilitant, pour s’envoler vers les augustes régions de la connaissance véritable… Bon, je stoppe la morale et j’enchaîne sur-le-champ avec ce document inestimable que les vrais connaisseurs sauront apprécier à sa juste valeur… sans prix, je l’ai déjà dit… ___ CRÉTIN ou LE DEVOIR DU CITOYEN Dialogue taplonicien, agrémenté de quelques commentaires par le Docteur Theur, dHPI*. Ces commentaires sont encadrés par des parenthèses carrées. ___ La scène se déroule dans la prison où Sacrote s’apprête à boire le divin breuvage qui lui ouvrira l’avenue des Champs Élysées pour rejoindre l’armée des Ombres au service du sombre Hadès, le maître de toutes les âmes qui ne sont plus. ___ Sacrote, Crétin ___ Sacrote Entre, Crétin, ton oncle Crotin me quitte à l’instant pour se diriger vers le tribunal de l’Héliée où se tient son procès pour fornication illégale (strictement interdite par le règlement…) et pour corruption de la jeunesse innocente qui ne demande qu’à préserver sa vertu… Déjà éveillé, toi. N’est-il pas encore bien matin ? Crétin Il est vrai. C’est bien un autre foutu matin qui nous gâche l’existence à tous les… matins… Sacrote Quelle heure est-il à ton Apple Watch Ultra 2 ? [forme avancée de la clepsydre, mais seulement disponible à l’époque dans le modèle sec…] Crétin La destinée pointe déjà son nez… Tu as vu juste, Sacrote… Sacrote Je m’étonne […tonne, comme dans « il tonne », ou « Hilton »] que le gardien de la prison t’ait laissé de la coke priser… [ici, inversion poétique, Taplon était un grand poète…] Crétin Il est déjà habitué à sniffer avec moi ; d’ailleurs, il me doit cent drachmes pour trente grammes de Colombien** (les prix ont encore monté). [Crétin était crétin, certes, mais pas assez pour ne pas savoir jouir des douces joies de la vie…] Sacrote Sniffiez-vous à l’instant, ou à quand remonte votre dernière injection ? Crétin Oui, Sacrote, je le crois, peut-être dis-tu vrai… [un peu cliché comme réponse, mais bon, c’était la mode à l’époque…] Sacrote Pourquoi donc ne pas m’avoir injecté sur-le-champ, au lieu de fumer un joint sans rien dire ? Crétin Par Toutatis ! [ce dieu, peu connu des Français, était déjà vénéré par les philosophes branchés de l’ancienne Grèce, si souvent précurseuse dans bien des domaines… ] Je m’en serais bien gardé ; pour moi, à ta place, je ne voudrais pas être injecté dans une si triste conjoncture, juste avant de te taper une bonne rasade de ciguë bien fraîche, fût-ce sur le tard et… [lacune] Aussi, il y a longtemps que je suis là, me livrant au plaisir de l’onanisme en contemplant ton sommeil à la lueur de ce si beau lever de Soleil hellène. Et je n’ai pas voulu t’embrasser pour ne pas troubler les heures merveilleuses qu’il te reste à vivre dans l’inconscience avant de trépasser. Et, en vérité, Sacrote, je t’ai grondé souvent pour ton humeur exécrable tout au cours de ta vie de grand sage à la noix. Mais dans le bonheur présent, je te félicite pour la maîtrise de tes selles à cette heure de grande constipation. Sacrote C’est qu’il ne me siérait guère, Crétin, qu’à mon âge je doive trouver bon de mourir sans avoir déféqué, même si Pluton me chauffe le cul dans un feu d’enfer… Ah ! si seulement je le pouvais ! Mais c’est difficile, le Destin, si dur, me… [lacune… texte illisible…] Crétin Sans doute, Sacrote, il y a apparence… Sacrote Oui, ô Crétin, le Vrai ne saurait nous faire défaut bien longtemps… Crétin J’admire ton courage, Sacrote, en effet, nous le débusquerons même sous le tapis d’Aladin, car, tu dis vrai, Sacrote, trouver la vérité n’est pas une entreprise en l’air… [c’est étrange, parce qu’Aladin n’a été connu qu’à l’époque de Marc-Aurèle… oui, étrange, laissez-moi y réfléchir…] Sacrote Je te crois, Crétin, et si j’accorde crédit aux sages paroles de Trograduventros, aux théories si fines et qui dit toujours vrai, Aladin aurait possédé la Pierre Philosophale [nous remarquons ici un léger anachronisme, mais Sacrote, qui ne sera plus de ce monde dans quelques minutes, n’allait tout de même pas s’inquiéter d’une bête question de temps, lui si sage en son… temps… et qui n’a jamais toléré de porter de montre…] Crétin Il est vrai. C’est fort probable. Je le crois. Sans doute est-il permis de le penser. La vérité a bien des tours dans son sac… [Crétin, qui était habituellement si concis dans ses réponses, toujours sages et mesurées, devait commencer à sentir les effets de la… de la… de la drogue qu’il inhalait… n’ayons pas peur des mots…] Sacrote Je le crois aussi, Crétin… mais cela dépend des jours… Crétin Mais, ô Sacrote, n’enseignes-tu pas que le Vrai est éternel et donc qu’il ne pourrait souffrir de l’être un jour et pas le lendemain ? Puisqu’aussi bien hier que demain s’inscrit dans le grand plan divin du Temps éternel ? Sacrote En effet, Crétin, je le crois aussi, mais moins demain qu’hier et qu’aujourd’hui, c’est une question de principe et je n’en démords pas… Crétin Assez longtemps, mais pourquoi ? [ici les herméneutes se perdent en conjectures sur le, ou les sens de ce passage aussi profond qu’énigmatique… ] Sacrote Le grand plan divin ne souffre aucune exception, depuis assez longtemps d’ailleurs, si j’en crois le devin Pepsodentos, qui mord sur le futur comme pas un… mais ici, il est question du passé, c’est vrai… Bof, là où je suis rendu, cela n’est plus très important ! Après tout, lorsqu’on s’apprête à entrer dans l’infini de l’Éternité, est-il encore nécessaire de démêler le passé de l’avenir ? Je te laisse répondre… Crétin Le sens est très clair, à ce qu’il me semble, Sacrote… Sacrote Beaucoup trop… mais passons… Ô, mon cher Crétin, il en est temps encore, suis mes conseils, et sauve-toi, avant que je ne le fasse pas moi-même… Il en va de ta mort et de ma vie, que nous ne pouvons prendre à la légère… Mais où est donc passé ce joint ? L’aurais-tu déjà tout fumé ? Crétin Non, ô sage Sacrote, je l’avais passé à Cébès et à Simmias de Thèbes… Tiens, prends, et tu rêveras à la Thessalie… [Crétin était au fond un bon bougre, mais distrait, oubliant parfois de passer le joint à la bonne personne…] Sacrote Ces bons amis, ô Crétin, ont dû tirer trop fort sur le pétard pour penser que je pourrais m’échapper de cette prison et d’ainsi manquer à mon devoir de citoyen modèle et toujours respectueux des lois de la Cité ; non, ô Crétin, je ne peux ni ne veux m’échapper — sans compter qu’avec ma condition intestinale actuelle, j’aurais peur de m’échapper en route et de souiller le sol de la Patrie ; de plus, ô fidèle ami, il y va de ma réputation et de la postérité de celle-ci ; songe, ô cher, que tous les philosophes de l’avenir perdraient leur repère et devraient se mettre en quête d’un autre modèle de vertu et de sagesse ; non, cher Crétin, j’aime trop jouer ce rôle divin que de le laisser entre les mains de… de… de philosophes manchots peut-être, qui sait ? Crétin Je reconnais bien là, ô Sacrote, toute l’honnêteté et toute la rigueur qui te (la suite de ce manuscrit est, hélas ! trop mutilée pour qu’il soit possible d’en tirer rien qui ressemble à un manuscrit ancien — désolé, il faudra s’y faire… fumez un bon joint et imaginez la suite, c’est le meilleur conseil que je puisse vous donner… Ah, vous ne fumez pas ? Félicitations, c’est dommage, mais félicitations quand même) ___ * Débile à Haut Potentiel Intellectuel ** De la Colombie, ancienne région du Péloponnèse, célèbre pour ses putes, ses drogués et ses philosophes lunatiques en tout genre. [Ici s’arrête ce palpitant fragment de littérature-suspense attribué au Pseudo-Platon, ou du moins qui aurait servi d’ébauche codée à son célèbre dialogue du [Je vous fais remarquer, en terminant, que, sur la photo qui surplombe ce précieux Dialogue taplonicien perdu, le joint, que tenait Taplon entre l’index et le pouce de sa main droite, a |
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