Journal :: Portrait d’un poète de génie

J’insère le portrait qui suit dans la rubrique Journal, puisque le poète analysé exerce une influence occulte, mais prégnante, sur la psyché de maint poète, qu’il l’ignore ou non*.

AVERTISSEMENT : si quelque lecteur virtuel se trouve pressé à s’écrabouiller par un temps devenu impitoyable à nos époques de temps sadique, qu’il passe son chemin et qu’il aille lire quelque triste commentaire twittérien, ailleurs, dans le vide cosmique ou cybernétique — je lui laisse le choix.

—Portrait d’un poète de génie—

C’est un poète de génie, du génie de l’artifice, de l’étincelle. Des feux d’artifice, pour être précis. D’une sensibilité et d’une intelligence prodigieuses, extrêmes, inouïes*, voire encore plus géniales que géniales — oui oui, non non, n’ayons pas peur des mots, géniales plus que géniales — il n’habite que les régions les plus ténues des valeurs « sigma » ( σ ) des écarts types, jamais en deçà de 4σ, et ce, sur toutes les échelles connues et inconnues des QI, des IQ, des QE et des EQ où il batifole à son aise, bien que bien seul dans les démonstrations de ses cabrioles mentales ou intellectuelles, exécutées, l’une ou l’autre, selon les jours pairs et impairs qui l’affectent toujours grandement, étant lui-même neutre de nature, démonstrations époustouflantes et souvent époustouflées, qui, à la vérité, n’étaient comprises que par Kim Peek en personne**, et encore, à jeun le matin.

En fait, seulement 4 (quatre) personnes au monde en pouvaient apprécier toute la richesse et l’originalité (dont moi, il va de soi…). (vous venez de rencontrer 2 fois le chiffre 4, égale 8, symbole de l’infini — est-il besoin d’explication supplémentaire ? — c’est une blague…) Créateur d’un logiciel linguistique hyperquelquechose, dans lequel il avait introduit des variables heuristiques inconnues et si poussées, si puissantes, que Bill Gates en personne avait dû faire appel au mini-génie verbal de Noam Chomsky pour les décoder. Ce qui engendra une querelle inénarrable entre eux et notre poète, ce dernier étant d’avis que seuls des génies authentifiés par lui pouvaient, à la rigueur, et sur la demande expresse de notre poète, se permettre d’apprécier son œuvre. Par ailleurs, et qu’on s’en souvienne pour la postérité poétique qui l’attend de pied ferme (sur ses 12 pieds, pourrait-on dire), il avait si bien assimilé les algorithmes machinaux de son invention qu’il pouvait désormais s’en passer tout à fait et faire de tête ce que sa machine ne faisait plus qu’à reculons — devant l’extrême magnitude du QI de son inventeur, sa machine avait même commencé à en éprouver de la gêne… humaine ! Ça déteint, le QI humain. Pour le QI animal, je ne sais pas, les études sur les chats surdoués n’étant pas très avancées à ce jour.

Je passe ici à dessein sur les coefficients de corrélation, les coefficients de variation et la répartition optimale de Neyman des valeurs uniques décrochées par notre rêveur, par manque de temps et de place, par rapport aux incommensurables valeurs verbales, verbomotrices et spatio-temporelles de l’intelligence de l’intéressé (qui, en effet, s’intéresse beaucoup à sa propre intelligence… et qui n’est, en effet, n’est-ce pas, jamais désorienté, lui, dans son propre espace spatio-temporel mental déjanté…).

Le plus difficile, et cela est bien triste, si vous ne savez qu’en penser, était pour sa mère, qui l’aimait d’un tendre amour maternel et infini, mais de son aveu même, elle ne comprenait pas ce qu’elle aimait, bien que son fils le lui rendît bien, qui n’aimait pas ce qu’il comprenait de sa mère — mais ça, c’est une autre histoire…

Seul son chat comprend peu ou prou l’immense originalité intellectuelle — je ne dis pas de son maître, qui ne l’est plus, car leur relation a évolué à ce point qu’ils pensent tous deux convoler en justes noces dès que le gouvernement français aura entériné le projet de loi autorisant les mariages mixtes humain-animal ou vice-versa selon l’origine des demandes — ce qui les autorisent, eux, à des entretiens sans fin et ô combien tendres et perfusés d’une compréhension métaphysique de niveau 7, dans les nuits de leur esprit, en dégustant la pâtée préférée de Minet ; c’est que, le couple n’étant pas très riche, il arrive parfois que Minet, éperonné par un amour poétique débridé et très félin à la base, laisse le plus gros des croquettes à notre inventeur qui s’en régale comme Jonas dans le ventre de la baleine, à qui il envoie parfois par poste marine quelques boîtes de ces délices ô combien terrestres… (j’aime beaucoup les ô et les ah ! — ah ! c’est mon côté poétique…)

Voici maintenant — attention, nous tombons ici dans le croustillant ! un aperçu de la méthodologie génialement méthodique exploitée par le poète : il commence toujours par choisir par le plus grand des hasards contrôlés un mot du Petit dictionnaire des mots rares et anciens de la Langue française de Charles Sabatier. Ce choix hasardeux opéré, il associe ce mot à l’un quelconque des millions, voire des milliards de mots qu’il a stockés dans les réseaux neuronaux illuminés illimités de son prodigieux cerveau, incomparable à tout autre sur cette foutue planète débile, qu’on appelle Terre à défaut d’un terme mieux (ici, lacune, désolé…) et plus terre à terre — autrement, on s’évade, hum ?

Ensuite il mêle dans un chapeau ces deux mots à d’autres tout aussi gratuits tirés de sa mémoire titanesque (il tire parfois les mots de son cerveau pétillant et parfois de sa mémoire en ébullition, selon l’humeur du moment et l’avis avisé de son chat) ; cette délicate opération effectuée, il s’empresse d’avaler à toute vitesse une liqueur cramoisie non identifiée que des OVNIïens lui apporte de la planète Planète, assez mal connue au demeurant. Le tout bien brassé, pas son breuvage, idiots ! mais les mots, qu’il pige au hasard tout en regardant bien pour ne pas se tromper, il pige, dis-je (avais-je déjà dit dis-je ?) pour construire des phrases sures réalistes qui peuvent, de l’avis de Chomski, se passer tout à fait de sens, les mots en eux-mêmes représentant une valeur poétique et esthétique extraordinaire et irréfragable qu’il laisse toute une chacune apprécier en fonction du désagrément ou non de leur c… m…, et parfois même de leurs x.. /z-dû (prononcer « dou » malgré l’accent rude). Et voilà, servir froid et déguster. Indigestion mentale garantie et non remboursable…

L’opération finale consiste — n’avons-nous pas déjà servi ? mais qu’importe ! à faire un tri final entre les mots les plus éclatants combinés aux mots les plus absurdes selon les préceptes qu’André Breton lui avait légués en personnes — des préceptes en personnes, c’est très rare, il faut le reconnaître… et très surréaliste en prime… (Ici, dans un élan de générosité qui me surprend moi-même, j’ai usé des trois points de suspension, ne sachant trop pourquoi ; toujours est-il que mon prochain écrit sera en déficit de deux points — vous ne serez donc pas surpris d’y rencontrer une phrase ou deux sans point final)

Il ne lui reste plus alors qu’à publier ses incomparables poèmes sans jamais s’attendre à des commentaires, commentaires qui l’horripilent au plus haut pile, puisque généralement lesdits commentaires ne contiennent que des mots bien ternes et bien raisonnables, tirés de dictionnaires bien modernes, bien ternes et bien raisonnables, ce qu’il ne peut évidemment pas supporter, ayant transcendé depuis belle heurette tout ce que la Terre nous a prodigué, à nous indignes humains ordinaires, bien ternes et bien raisonnables.

Voilà dans ses plus larges détails le modus operandi de notre poète de génie lui-même. Mais, de grâce, ne lui dites surtout pas que je vous ai dévoilé ses secrets, il croirait à un complot de la part de cons plotiniens désœuvrés en quête de l’Un, mais ne trouvant que le multiple de son génie éclaté en myriades de facettes kaléidoscopiques dans un univers trop petit pour les contenir toutes. Voili.

* Ce renvoi correspond à une note qui n’existe pas encore. J’y travaille, ne vous inquiétez pas…

** Absent, Peek faisait toujours mine de ne rien comprendre, en prétextant n’avoir pas bien entendu, bien entendu… vous dites ?

À bientôt, les amis (ou pas…).

Génie, stade premier

Génie, stade second

Génie, stade troisième

Génie transformé en chat (stade final)


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