Ferme-la, Chérie ! // Rimer avec Nerval…

(Sur les rimes du poème : Delfica)

Mais ferme-la, Chérie, ravale ta romance !
Elle est par trop facile et sertie de vers blancs ;
Comment donner crédit à tes quatrains tremblants ?
Arrête de mentir, rime vrai, recommence.

Oublie ta comédie et ton mensonge immense ;
Tes fantasmagories me font grincer des dents !
Tu inventes des jeux beaucoup trop imprudents ;
Et dire que j’ai mis en ton sein ma semence !

Tu me trompes sans cesse, à toute heure et toujours ;
J’ai vu clair dans ton jeu depuis les premiers jours,
Il n’était pas besoin d’un esprit prophétique…

Ton théâtre est si faux que j’en perds mon latin !
Tu me fais cocu, moi, avec ce Constantin —
Je vous ai vus baiser de nuit sous le Portique…

_________

Delfica

La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance,
Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
Sous l’olivier, le myrthe ou les saules tremblants,
Cette chanson d’amour… qui toujours recommence !

Reconnais-tu le Temple, au péristyle immense,
Et les citrons amers où s’imprimaient tes dents ?
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
Où du dragon vaincu dort l’antique semence.

Ils reviendront, ces dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l’ordre des anciens jours ;
La terre a tressailli d’un souffle prophétique…

Cependant la sibylle au visage latin
Est endormie encor sous l’arc de Constantin :
– Et rien n’a dérangé le sévère portique.

Gérard de Nerval, Odelettes, 1853


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